4) Méthodologie innovante et développement instrumental
a. Spectromètre THz à haute précision en fréquence et balayage rapide
L'équipe a développé un spectromètre THz de pointe offrant à la fois une grande précision pour les mesures de fréquence et une acquisition rapide des spectres par balayage. Il utilise des chaînes de multiplication de fréquence basées sur des diodes Schottky, couvrant la gamme de 50 à 1520 GHz. Une caractéristique distinctive de cet instrument est l'intégration d'un synthétiseur numérique direct (DDS) dans la première étape de la multiplication de fréquence, ce qui permet un changement de fréquence ultra-rapide (jusqu'à 6,4 ns par point) ainsi qu'une stabilité continue de la phase.
Le dernier développement de ce spectromètre a donné naissance au spectromètre FLASH (Fast Lille Adaptative SHazam), qui intègre la technique d'impulsions balayées. Bien que cette technique soit déjà bien établie dans la gamme des centimètres, elle reste encore innovante dans le domaine des THz. Le spectromètre FLASH est un instrument polyvalent, unique au monde, capable de fonctionner jusqu'à 1,5 THz en mode d'absorption et jusqu'à 0,5 THz en mode impulsions balayées.
b. Spectromètre micro-ondes à dérive de fréquences
Cet instrument permet d'enregistrer un spectre complet en quelques millisecondes, avec une amélioration du rapport signal/bruit par accumulation des mesures. Cette technique, initialement développée par B. Pate à l'Université de Virginie (États-Unis), n'a été mise en œuvre que dans quelques laboratoires internationaux. Un prototype a été développé avec succès par notre équipe et utilisé pour obtenir les premiers résultats spectroscopiques, permettant de caractériser les propriétés structurelles d'un époxyde endocyclique d'intérêt atmosphérique.
c. Le dispositif Jet-AILES
Ce dispositif expérimental, développé par le PhLAM, l'IPR (Institut de Physique de Rennes - UMR 6251) et MONARIS (De la molécule aux nano-objets : réactivité, interactions et spectroscopies – UMR 8233, Sorbonne Université), est un jet supersonique accessible aux utilisateurs de la ligne AILES (Advanced Infrared Line Exploited for Spectroscopy) du synchrotron SOLEIL (St Aubin, France). Quatre propositions retenues dans le cadre des appels à temps de faisceau ont permis l'enregistrement et l'analyse du spectre infrarouge haute résolution de COV (butadiène, méthoxyphénol, furfural et dioxane). Un nouvel injecteur à fente réglable a été mise en place, améliorant ainsi les capacités de l'installation.
e. Conversion de spin moléculaire
La spectroscopie d’une molécule se place dans le cadre d’un préliminaire afin d’envisager l’étude de la conversion de spin de cette molécule, en particulier de pouvoir mesurer en temps réel la population de différents isomères. Nous avons concentré nos efforts sur la molécule d’ammoniac NH3. Cette étude s’est révélée très riche par l’existence d’une bande assez intense dans la gamme de notre source laser (1470-1547 nm) dont l’identification est partielle (20%) et dont l’analyse complète est un challenge pour la spectroscopie. Cette zone correspond à une zone d’énergie où se côtoient une vingtaine de combinaison de bandes vibrationnelles en interaction (seulement 4 ont été identifiées). Afin d’élargir notre thématique, nous avons tiré profit de la possibilité d’enregistrer ces spectres à des températures variables (jusqu’à disparition de la phase gaz) afin d’apporter une information précieuse pour l’identification des transitions.
L’étude de l’évolution de l’intensité relative de deux transitions en fonction de la température permet d’accéder à la différence d’énergie des états de départs de ces transitions. On peut ainsi, en s’aidant de quelques transitions déjà identifiées, obtenir de manière quasi exhaustive l’état de départ (J,K) de chaque transition, et par là même son caractère ortho ou para. Un article a été publié pour une gamme restreinte d’énergie (40 cm-1). Une publication sur une gamme plus importante (180 cm-1) est en cours de rédaction. Les données ont été enregistrées sur la gamme complète de nos sources (430 cm-1) .
Une communauté internationale existe autour de cette étude comprenant des équipes expérimentales et théoriques. D’un point de vue expérimental, la plupart des équipes utilisent de la spectroscopie par transformée de Fourier. Notre équipe possède l’expertise de spectroscopie laser. La première possède l’avantage d’enregistrer simultanément un domaine spectral important, mais la résolution de la seconde est supérieure en particulier à basse température où l’effet Doppler est plus faible. Ces études à basse température sont possibles grâce à une cellule de type Herriot refroidie qui donne accès à des spectres à toute température (122-296K).
D’un point de vue théorique, les équipes tentent de reproduire ab-initio les spectres observés en améliorant les surfaces de potentiel. L’attribution des transitions repose sur la connaissance de leur position, de leur intensité et lorsque l’information est disponible de l’état de départ de la transition. Compte tenu de la précision de ces calculs qui, bien que ne cessant de s’améliorer restent encore loin de la précision expérimentale, cette information supplémentaire peut s’avérer cruciale lorsque le spectre est dense.
La spectroscopie laser est très fastidieuse mais aussi très performante et nous avons focalisé nos efforts sur cette information. Dans le même esprit que des techniques d’analyse d’autres groupes internationaux (programme MARVEL ou analyse par bande), nous avons couplé ces techniques à une reconnaissance spectrale 3D où sont comparés les spectres dans un espace (Énergie, intensité, énergie de l’état de départ). De nouvelles attributions sont encore possibles étayées par cette représentation à 3 dimensions. Les données recueillies permettent d’améliorer la surface de potentiel et de proposer de nouveaux calculs que nous confrontons de nouveau avec l’expérience. Cette amélioration bénéficie aussi à la reconnaissance des spectres de l’isotopologue 15NH3 dont nous avons aussi enregistré l’ensemble des spectres à des températures variées. Nous avons entrepris récemment le développement d’une expérience CRDS afin d’avoir accès à des transitions de plus faible intensité. Nous avons aussi commencé l’étude de la spectroscopie des substitution deutérées de l’ammoniac NH2D, ND2H et ND3. Pour ces derniers, dû à la masse doublée du deutérium, les bandes sont globalement décalées vers le rouge. Un équipement que nous venons d’acquérir (système laser à 2 microns, 5000 cm-1) devrait permettre des études fructueuses.
D’autre part, un travail sur la molécule de méthane est mené afin de tenter d’observer la conversion de spin nucléaire dans des spectres à basse température dans les conditions de pression de vapeur saturante (présence de la phase solide) jusqu’à la limite de l’observation. L’analyse de l’absorption des transitions nous permettent de mesurer la pression de vapeur saturante jusqu’à 40 K. De l’évolution de cette pression en fonction de la température est dérivée l’enthalpie de sublimation du méthane sur la gamme de nos mesures (40-77K). Deux ordres de grandeur sont ainsi franchis dans la vérification de la loi de Clapeyron.
f. L’effet spin-orbite au sein de molécules diatomiques
Cette activité de recherche porte sur la modélisation et la détermination de la structure électronique (courbes d’énergie potentielle, moments de transition, polarisabilités moléculaires statiques, couplages) de molécules diatomiques neutres et ioniques pour les environnements froids et astrophysique et comprend deux thématiques.
1. La première, réalisée en collaboration avec des groupes nationaux et internationaux d’expérimentateurs et de théoriciens (M. Aubert-Frécon & A.J. Ross (LASIM, Lyon), A.M. Lyyra (Temple University, Philadelphie), Li Li (Tsinghua University, Chine), V.N. Sovkov (U. St Petersbourg Russie), concerne la spectroscopie des états très excités des dimères alcalins se dissociant vers et au-dessus de l’asymptote doublement excitée np+np. A partir des programmes que nous avons développés, nous déterminons les courbes d’énergie potentielle de nombreux états moléculaires (100 états) sur un large domaine de distances internucléaires (4a0-100a0), les moments de transition et les polarisabilités moléculaires statiques. Des études de faisabilité d’expérience sont ensuite réalisées. Sur la période 2008-2013, ces études ont été effectuées sur les premiers états excités de quelques dimères alcalins et nous avons obtenus des résultats très satisfaisants sur les molécules Li2 et Cs2. Dans le cas de la molécule K2, nous avons recalculé les courbes d’énergie potentielle en tenant compte du couplage spin-orbite pour tous les états se dissociant vers 4p3/2+4p3/2, en vue d’interpréter la réaction de transfert d’énergie entre deux atomes de potassium K(4s)+K(8s) ->K(4s)+K(4f) (collaboration avec le groupe expérimental de M. Glodz, Académie des Sciences de Varsovie). Malheureusement, nous n’avons pas pu décrire en couplage spin orbite les asymptotes 4s+8s et 4s+4f mais les sections efficaces ont pu être déterminées à partir de nos premières prédictions dans le cadre d’une dynamique moléculaire semi-classique. Un accord satisfaisant a été obtenu entre la théorie et l’expérience (σthéorique = 1,12.10-14 cm-2 et σexpérience = 1,4.10-14 cm-2 à 450 K). Parallèlement aux dimères, des études sont menées également sur les ions moléculaires alcalins par les méthodes de pseudopotentiel ou de potentiel modèle incluant désormais le couplage spin-orbite. En collaboration avec M. Lyyra, l’étude de la molécule Rb2 a débuté avec pour objectif d’étudier non seulement la spectroscopie des états très excités mais aussi celui de proposer de nouveaux scénarii pour former des molécules froides. Dans ce cadre, nous avons choisi d’utiliser la méthode de potentiel modèle et d’y introduire les effets liés au spin électronique et nucléaire en vue d’observer la conversion de spin nucléaire dans Rb2.
2. La seconde thématique concerne la description des alcalin-gaz rares et des composés d’hydrogène.
En parallèle, dans le cadre du développement d’une collaboration internationale avec le Liban (F. Taher), les molécules de Lutétium (LuBr, LuI et LuO) sont en cours d’étude par les méthodes de chimie quantique classiques (programme MOLPRO) en vue de constituer une base de données utiles à la communauté des astrophysiciens.
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