1) Astrophysique de Laboratoire

a. Molécules organiques complexes (COMs), radicaux, ions

Les spectres moléculaires sont d'excellents traceurs de la composition et des conditions physiques de la matière diffuse : des comètes et des atmosphères planétaires aux régions circumstellaires, des nuages interstellaires aux nébuleuses planétaires des galaxies proches et lointaines. Des instruments d'observation astronomique présentant des caractéristiques techniques inégalées en termes de sensibilité, résolution spectrale et angulaire sont actuellement en cours de développement ou d'exploitation et couvrent la gamme des ondes millimétrique-submillimétrique (GREAT à bord de SOFIA, ALMA et NOEMA). L'exploitation optimale des résultats obtenus par ces nouveaux observatoires repose largement sur des données de physique moléculaire obtenues en laboratoire.

Depuis plusieurs années, nous travaillons sur les COMs les plus abondants (propionitrile, formiate de méthyle, diméthyléther, méthanol, ...), les molécules mères mais aussi les isotopologues. Ce travail sur les isotopologues est d’une importance primordiale car il permet de donner des informations importantes pour les modèles d’astrochimie mais aussi de nettoyer le "survey" et de faciliter la détection de  nouvelles molécules. Des travaux ont également été effectués sur les espèces radicalaires (15NH, 15NH2, CH2OH) ainsi que sur les ions (NO+). Les radicaux sont les premières molécules détectées dans le milieu interstellaire : CH en 1937, puis CN en 1940, et sont d'une importance primordiale pour la compréhension du mécanisme de formation. En plus des COMs, les composés aromatiques sont soupçonnés de contenir 1 à 10% du carbone interstellaire et d'être les vecteurs des bandes infrarouges non identifiées (UIB) et des bandes interstellaires diffuses (DIB). La détection non ambiguë d'espèces moléculaires dans l'espace repose sur la connaissance précise de leurs spectres en laboratoire.

Les récentes détections de nouvelles molécules obtenues via les premiers enregistrements d’ALMA montrent l’importance de nos études pour la communauté astrophysique : le N-méthyl formamide, le cyanure d'éthyle doublement substitué 13C, le méthoxyméthanol. Les détections ou non-détections fournissent également des informations fondamentales pour les modèles astrochimiques, comme le montrent les deux exemples suivants :

  • La non-détection de CH2OH fut une surprise, la limite supérieure de la densité de colonne de CH2OH étant 1/1000 fois celle du méthanol. Notre étude a remis en cause l’hypothèse que le CH2OH était supposé être le précurseur majeur du méthanol dans le milieu interstellaire.
  • La récente détection de méthoxyméthanol montre qu'il est environ 34 fois moins abondant que le méthanol et significativement plus abondant que les prévisions des modèles astrochimiques.

Fig. 1: Part of Band 7 spectrum of NGC 6334I In green are simulations of the species that are major contributors to the line density in these windows. Transitions of CH3OCH2OH that are largely unblended

 

b. Variation des constantes fondamentales

En outre, une variation cosmologique des constantes fondamentales, attendue dans des théories au-délà du Modèle Standard, pourra être mise évidence à partir de l’analyse des spectres astrophysiques. La sensibilité des transitions d’espèces isotopiques de LiH à une variation du rapport des masses proton-électron a été calculée. L’écart en fréquence entre deux transitions en résonance présente un coefficient de sensibilité fortement augmenté. Cela à permis de contraindre une variation du rapport de masses proton-électron dans le spectre microonde du quasar B0218+357 au niveau de 10-6.