III. Dynamique non-linéaire dans les fibres complexes
Les thématiques de recherche en photonique non-linéaire dans les fibres optiques ont été initiées au sein du groupe en 2008 par Alexandre KUDLINSKI et Arnaud MUSSOT. Après s’être intéressées à la génération de supercontinuum, les activités de recherche au sein de cet axe se sont progressivement diversifiées et tournent aujourd’hui autour des processus paramétriques et des solitons temporels, tant sur le plan de la compréhension fondamentale que sur celui des applications. L’une des originalités des travaux repose sur l’exploitation de fibres dites « topographiques », dont les propriétés de guidage varient de façon contrôlée dans la direction de propagation de la lumière.
Cette thématique a été initiée en 2008 au sein du groupe, alors qu’une course effrénée était lancée au niveau international concernant la montée en puissance des sources supercontinuum blanches à fibre optique. Elles étaient en effet limitées à une puissance moyenne totale de 4 W à cette époque. L’originalité de nos travaux a porté sur l’utilisation de lasers à fibre continus, dont la puissance moyenne dépasse fortement celle des sources impulsionnelles habituellement utilisées. Nous avons alors cherché à compenser la faible puissance « crête »de ces sourcescontinues (de l’ordre de quelques dizaines de watts) par une augmentation dela longueur des fibres dans lesquelles se produisent les effets non-linéaires, et surtout par une optimisation minutieuse de leurs propriétés. Ainsi, en utilisant des fibres microstructurées effilées sur typiquement 100 m et en optimisant le dopage germanium du cœur, nous avons démontré la première source blanche continue, dont la puissance moyenne de 10 W constituait un record en 2010 [1]. Ces travaux ont suscité un vif intérêt de la communauté puisqu’ils ont été mis à l’honneur dans différentes revues industrielles (PhotonicsSpectra, Photoniques) et de diffusion scientifique (Science & Avenir, journal du CNRS).
Par ailleurs, nous nous sommes intéressés aux caractéristiques temporelles de ces sources, primordiales pour certaines applications et qui s’inscrivent dans le cadre général et plus fondamental de celui des ondes scélérates optiques. Nous avons montré qu’elles résultent de la collision de solitons [2] et que l’ingrédient minimum et nécessaire pour leur apparition est la dispersion d’ordre trois [3]. Ces études fondamentales nous ont permis de mettre au point une solution passive pour stabiliser temporellement les sources supercontinuum [4]. Nous avons bénéficié auprès d’OSEO et du CNRS du financement d’un ingénieur (1 an) pour développer un prototype qui présente des instabilités bien plus faibles que les modèles commerciaux (3 à 4 fois plus stable).
Spectre de la source supercontinuum blanche et continue et photos de l’expérience.
Bien que la mise en évidence expérimentale du processus d’Instabilité de Modulation (IM), i.e. de processus paramétriques, dans les fibres optiques date de plus d’une trentaine d’années, les études consacrées à ce phénomène sont revenues au tout premier plan de l’actualité ces dernières années. En effet, de par le rôle clé qu’il joue dans la formation de phénomènes non linéaires complexes comme la génération d’ondes scélérates par exemple, et en raison du caractère pluridisciplinaire qu’on lui connait (optique, hydrodynamique, acoustique, condensats quantiques..), l’étude de ce processus ouvre de nouvelles perspectives de recherche jusqu’alors inexplorées. D’autant plus que les récentes avancées technologiques dans la fabrication de guides d’ondes et de fibres optiques en particulier (fibres à dispersion oscillantes, fibres hybrides, fibres à bande interdite photoniques…),permettent d’accéder à une gamme de paramètres inatteignables auparavant conduisant ainsi à des phénomènes dont la dynamique est plus riche et à de nouvelles perspectives d’un point de vue plus appliqué. Les travaux que nous effectuons sont regroupés dans les trois sous-parties suivantes.
Bien que la première mise en évidence de solitons temporels dans les fibres optiques date de plus de 30 ans, cette thématique est toujours d’actualité au vu de leur fort potentiel pour la mise au point de sources à fibre compactes et ultra-courtes notamment. La manipulation des propriétés spectro-temporelles des solitons s’avère cependant assez délicate car elles dépendent du laser d’excitation, mais aussi des caractéristiques dispersives et non-linéaires des fibres optiques, qui correspondent aux paramètres de contrôle. Nous nous intéressons ici plus particulièrement au régime très court (< 100 fs) dans lequel l’effet Raman induit un auto-décalage spectral vers les hautes longueurs d’ondes.