Plate-forme JET-AILES
a. Introduction
Jet-AILES est un dispositif de jet supersonique installé sur le spectromètre haute résolution de la ligne de lumière infrarouge AILES du synchrotron SOLEIL. Ce montage a été développé et est exploité par un consortium composé de 4 équipes : Robert Georges et Jonathan Courbe (IPR/Rennes 1), Pierre Asselin et Pascale Soulard (LADIR/Paris VI), Olivier Pirali et Pascale Roy (AILES/SOLEIL), Manuel Goubet et Thérèse Huet (PhLAM/Lille 1). Pleinement opérationnel, il peut être utilisé pour des analyses spectroscopiques par l’intermédiaire d’un dépôt de projet scientifique évalué par un comité d’experts (comme pour tous les grands instruments, dépôt tous les 6 mois dans le cas de SOLEIL).
b. Principe du jet supersonique
Un jet supersonique est obtenu par détente adiabatique d’un gaz sous pression à travers un orifice (trou ou fente) vers une enceinte maintenue à basse pression. Les multiples collisions qui se produisent lors de cette détente convertissent l’énergie interne thermique (translationnelle, rotationnelle et vibrationnelle) en énergie cinétique de translation le long de l’axe de la tuyère (pour en savoir plus, voir par exemple le livre Atomic and Molecular Beam Methods. Vol. I., G. Scoles, Oxford University Press, Inc., New York, 1988).
Les échantillons, dilués dans un gaz porteur (souvent monoatomique tel que l’argon le néon ou l’helium), peuvent alors être observés :
- isolés d’un quelconque environnement perturbateur ou en le contrôlant (microsolvatation).
- en phase gazeuse quelque soit leur état dans les conditions standards (liquide ou solide) à des températures inférieures à leurs points de condensation tout en restant en phase gazeuse. Les spectres sont alors remarquablement simplifiés, permettant une analyse souvent impossible autrement.
- sous forme de complexes moléculaires (de Van der Waals, à liaison hydrogène, agrégats) grâce aux conditions stabilisatrices (collisions à 3 corps) offertes par un jet.
Cartographie par sonde de Pitot d’un jet supersonique haute pression d’argon
Spectre d’une bande de vibration du naphthalène enregistrée à température ambiante (en haut) et en jet à 25 K (en bas)
c. Spectroscopie dans l’infrarouge lointain
La modélisation du spectre, la détermination de la structure d’équilibre ou la compréhension de la dynamique vibrationnelle d’un édifice moléculaire semi-rigide (caractérisé par un grand nombre de degrés de liberté) requièrent une analyse précise des modes de basse fréquences. En effet, ces modes sont très spécifiques à un système donné car ils correspondent soit à des déformations de l’ensemble de la structure soit à des rotations internes des sous-structures. De tels modes sont observables dans l’infrarouge lointain (15-1000 μm), zone spectrale où la lumière synchrotron extraite par la ligne AILES est jusqu’à 30 fois plus brillante que les sources conventionnelles, pour des acquisitions à la résolution maximale.
d. Description du montage
Les échantillons sont produits dans un jet supersonique continu haute pression planaire.
Des fentes de différentes longueurs (3, 6 ou 9 cm) et largeurs (de 10 à 120 μm) permettent une large gamme de conditions d’expansion. Ainsi, il est possible d’observer des molécules refroidies à différentes températures jusqu’à des gros agrégats en passant par des complexes à liaison hydrogène.
Toute la ligne d’injection est régulée en température (de l’ambiante à 200 °C) et équipée de régulateurs de débits, d’un système d’évaporation contrôlée et d’un four. Ainsi, il est possible de contrôler et de mélanger des vapeurs provenant d’échantillons d’origine gazeuse, liquide ou solide.
La chambre d’expansion est évacuée par un groupe de pompage offrant une vitesse d’aspiration d’environ 1800 m3/h. Ainsi, il est possible de détendre les échantillons sur une large gamme de débits (de 0,1 à 30 litres/min).
Intérieur de la chambre d’expansion (à gauche), jeu de fentes (au centre) et groupe de pompage (à droite)
L’expansion supersonique est sondée perpendiculairement à l’axe de détente dans la longueur de la fente (élargissement Doppler des signaux quasi-nul) par le faisceau infrarouge issu du spectromètre. Celui-ci est focalisé au centre de l’expansion par deux miroirs, plan (M1) et toroïdal (M2). Il est ensuite récupéré dans le compartiment détecteur, où un second miroir toroïdal (M3) et un second miroir plan (M4) dirigent et focalisent le faisceau soit vers un détecteur photovoltaïque (pour le moyen infrarouge) soit vers un bolomètre (pour le lointain infrarouge). Les compartiments optiques sont maintenus sous vide secondaire avec le spectromètre et isolés de la chambre d’expansion par des fenêtres placées au plus près de la fente (limitant au maximum les signaux dus aux gaz résiduels).