4) Ondes scélérates et localisation de la lumière

Les équations de propagation d’ondes non linéaires peuvent engendrer un grand nombre de comportements complexes et non intuitifs, qu’elles décrivent le comportement d’un système optique ou hydrodynamique.

a) Ondes scélérates : de l’hydrodynamique à l’optique 

Une première thématique de recherche de notre groupe concerne les phénomènes de localisation de la lumière et d’ondes scélérates en optique, sujet de recherche en connexion directe avec un phénomène océanologique majeur et encore très mal compris, celui des vagues géantes. [1] Or, la même équation, l’équation de Schrödinger non linéaire (qui régit aussi les condensats de Bose-Einstein) décrit aussi bien, dans certaines limites, la propagation d’impulsions dans une fibre optique que celle d’ondes à la surface de l’océan. Il est alors tentant d’utiliser l’optique, où il est possible de changer tel ou tel paramètre du milieu de propagation, pour analyser et comprendre la formation de telles vagues (impulsions). L’étude de la formation de structures localisées ou solitons, en longitudinal ou en transverse, complète naturellement cette thématique.

Outre l’importance des solitons dans de nombreux domaines de la science non linéaire, et en particulier dans la localisation de la lumière en optique, les collisions entre solitons et leur dynamique complexe jouent un rôle primordial dans le mécanisme de génération des ondes scélérates en régime fortement non linéaire. Notre équipe est à la pointe de ce domaine avec une contribution importante et très appréciée nationalement et internationalement.

Un premier résultat marquant, en collaboration avec l’équipe Photonique du PhLAM, concerne la prédiction et la première observation expérimentale dans une fibre optique à cristal photonique injectée par un rayonnement continu d’impulsions présentant toutes les caractéristiques des ondes scélérates. Ces ondes sont engendrées par une instabilité modulationnelle de la solution stationnaire onde plane.

L’autre résultat marquant provient d’une collaboration théorique avec le groupe du Prof. N. Akhmediev (Australie), qui a établi des solutions analytiques de l’équation de Schrödinger non linéaire reproduisant les caractéristiques essentielles des ondes scélérates et en particulier la propriété fascinante d’apparaître de nulle part et de disparaître sans laisser de trace.

 

b) Solitons dissipatifs, évènements rares et extrêmes 

Actuellement les structures localisées, souvent appelées solitons optiques, constituent un sujet de recherche très attractif non seulement pour la richesse de leurs dynamique non linéaire mais aussi parce qu’ils sont d’excellents candidats aux applications futures de génération d’unités de stockage d’information tout optique. Parmi les systèmes optiques non linéaires, le résonateur Kerr passif a été largement étudié théoriquement et numériquement par notre groupe mais aussi par plusieurs groupes dans le monde comme un prototype idéal dans la génération de structures transverses.

Plusieurs types de structures ont été prédits, tels que les rouleaux (franges d’interférences non linéaires), hexagones et les solitons dissipatifs. Dans ce cadre, nous avons mis en évidence, pour la première fois, expérimentalement des solitons dissipatifs spatiaux dans une cavité Kerr passive de type Fabry-Pérot contenant un échantillon cristal liquide nématique. Deux régimes de fonctionnement ont été étudiés :

  • le régime de l’instabilité de Turing où des États périodiques ont été observés
  • un régime de bistabilité où nous avons observé des solitons spatiaux stables avec des rebonds sur leurs ailles.

Forts de ces résultats marquants, nous avons poursuivi notre étude ce qui nous a permis d’observer expérimentalement des solitons multiples sous la forme soit de trois solitons indépendants ou d’un soliton complexe composé de deux solitons verrouillés (Odent et al. New J. Phys. 2011).

Un autre résultat marquant est l’observation d’évènements rares et extrêmes sous forme de pics localisés anormalement intenses et de courte durée mais cette fois dans une configuration de boucle de rétroaction optique (un seul miroir) à une dimension spatial contenant un milieu Kerr. L’apparition de ces pics est fortement liée à la génération de continuum de fréquences spatiales dans un régime fortement non linéaire et chaotique. Une étude détaillée [1] des caractéristiques de ces pics d’intensités montrent qu’il vérifient les propriétés et signatures des ondes scélérates.

Les expériences décrites ci-dessus peuvent facilement être étendues à la configuration 2D et des études expérimentales, théoriques et numériques aussi bien sur l’existence, la stabilité et la dynamique des solitons 2D que sur la formation d’ondes scélérates sont menées actuellement dans le cadre du projet ANR blanc international « COLORS » coordonné par E. Louvergneaux (partenaires : Chili, INLN Nice et le PhLAM). [1] (statistiques non Gaussienne, brièveté, amplitude anormalement Grande)